En 2015, alors qu’une guerre civile faisait rage au Soudan du Sud, le Conseil de sécurité des Nations Unies a imposé la première série de sanctions dans le pays, notamment des gels d’actifs et des interdictions de voyager dans divers hauts fonctionnaires. Trois ans plus tard, après qu’un accord de cessez-le-feu a été violé à plusieurs reprises, le CSNU a rassemblé les votes pour imposer un embargo complet des armes. Une paix fragile s’est finalement installée, mais l’embargo a été maintenu en place et a été étendu chaque année.
La revue de l’embargo arrive maintenant le 29 mai et il y a une poussée de la part des membres africains de la CSNU – Sierra Leone, de la Somalie et de l’Algérie – pour le soulever. Le 18 mars, le Conseil de la paix et de la sécurité de l’Union africaine (AUPSC) a appelé publiquement la fin de cette mesure.
Mais soulever l’embargo sur le Soudan du Sud en ce moment serait une erreur. La violence est revenue pour affliger le pays, tuant au moins 180 personnes entre mars et à la mi-avril, dans le cadre de l’approfondissement des divisions entre le président Salva Kiir et le premier vice-président Riek Machar, qui a été placé en résidence surveillée.
Permettre à plus d’armes d’entrer dans le pays ne ferait que dégénérer la situation désastreuse. Ce ne serait pas dans l’intérêt des pays voisins et de l’Union africaine dans son ensemble.
Dans le cadre du plan de développement de l’UA, Agenda 2063, le continent s’est fixé un objectif ambitieux de «faire taire les armes» d’ici 2020, s’est ensuite étendu jusqu’en 2030.
Pourtant, l’appel de l’AUPSC pour soulever l’embargo sur le Soudan du Sud ne correspond pas à ces objectifs. La justification de cette position est que l’accès libre à plus d’armes peut permettre l’unification du gouvernement et des forces d’opposition et réformer le secteur de la sécurité.
Mais cette logique ignore les fractures croissantes du Soudan du Sud au milieu des tensions renouvelées entre Kiir et Machar. Placer plus d’armes à feu entre les mains des parties en guerre impliquées dans de graves violations des droits de l’homme et des crimes en vertu du droit international ne ferait qu’aggraver la situation.
Les forces de sécurité et de défense du Soudan du Sud ont attaqué les personnes mêmes qu’ils sont chargés de protéger: les civils. L’armée sud-soudanaise, le Service de sécurité nationale et les forces d’opposition armée ont été impliquées dans les crimes de guerre et les violations des droits de l’homme pendant plus d’une décennie, notamment par la Commission d’enquête de l’UA sur le Soudan du Sud et la Commission des Nations Unies sur les droits de l’homme au Soudan du Sud.
En effet, au moment où l’AUPSC a appelé à la levée de l’embargo sur les armes, le gouvernement du Soudan du Sud aurait utilisé des armes incendiaires improvisées dans des attaques aériennes, tuant au moins 58 personnes et en blessant d’autres, y compris des enfants.
Certes, l’existence de l’embargo sur les armes ne suffit pas – son application est la clé. Cela vacille déjà après le début de mars, l’Ouganda a envoyé des troupes et des équipements militaires au Soudan du Sud sans fournir de notification ou recevoir une exemption spéciale du comité des sanctions du CSNU. Il s’agit d’une violation claire de l’embargo.
Les hélicoptères du MI-24 du Soudan du Sud semblent également être en mouvement, bien que la flotte du gouvernement ne soit non fonctionnelle et au sol depuis que l’embargo sur les armes a été imposé en 2018.
Le 4 mai, les médecins sans frontières, connus par ses initiales françaises MSF, ont rapporté que deux hélicoptères de combat en hélicoptère avaient bombardé son établissement médical dans Old Fangak la veille et avaient tiré sur la ville, tuant sept et en blessant 20 autres. Des attaques délibérées contre un établissement médical remplissant sa fonction humanitaire violent le droit humanitaire international et constitueraient un crime de guerre. C’est encore une autre indication de la raison pour laquelle le CSNU doit renouveler l’embargo sur les armes et renforcer son application.
Si elle est correctement mise en œuvre et appliquée, un embargo des armes du CSNU renouvelé n’obstruerait pas la réforme du secteur de la sécurité. Au lieu de cela, il bloquerait l’accumulation désordonnée et déstabilisatrice d’armes au Soudan du Sud, ce qui stimule le conflit actuel et contribue aux violations contre les civils.
Si l’UA souhaite sérieusement faire taire les armes, il devrait soutenir les contrôles stricts interdisant les transferts d’armes au Soudan du Sud, et les États africains du CSNU devraient voter pour renouveler l’embargo sur les armes.
Les opinions exprimées dans cet article sont les propres de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement la position éditoriale d’Al Jazeera.